dimanche 18 octobre 2015

Lecture: Le sermon sur la chute de Rome

Contrairement au Goncourt des lycéens qui m'a souvent servi de conseil littéraire, et dont je n'ai jamais été déçue, je n'ai que peu lu les Prix Goncourt (même si en balayant la liste j'en ai quand même trouvé quelques uns connus, dont de magnifiques lectures, comme "Le silence des Scorta", ou d'autres plus mitigées, comme "Alabama song", ou alors encore celui, prêté par un collègue, qui attend depuis des années dans ma table de nuit que j'ai le courage de dépasser les premières pages que j'ai lues, je veux parler des "Bienveillantes").
C'est donc avec intérêt que j'ai emprunté le roman de Ferrari pour découvrir un nouvel auteur récompensé par ce prix prestigieux.

Résumé: Dans un village corse perché loin de la côte, le bar local est en train de connaître une mutation profonde sous l’impulsion de ses nouveaux gérants. À la surprise générale, ces deux enfants du pays ont tourné le dos à de prometteuses études de philosophie sur le continent pour, fidèles aux enseignements de Leibniz, transformer un modeste débit de boissons en “meilleur des mondes possibles”. Mais c’est bientôt l’enfer en personne qui s’invite au comptoir, réactivant des blessures très anciennes ou conviant à d’irréversibles profanations des êtres assujettis à des rêves indigents de bonheur, et victimes, à leur insu, de la tragique propension de l’âme humaine à se corrompre.
Entrant, par-delà les siècles, en résonance avec le sermon par lequel saint Augustin tenta, à Hippone, de consoler ses fidèles de la fragilité des royaumes terrestres, Jérôme Ferrari jette, au fil d’une écriture somptueuse d’exigence, une lumière impitoyable sur la malédiction qui condamne les hommes à voir s’effondrer les mondes qu’ils édifient et à accomplir, ici-bas, leur part d’échec en refondant sans trêve, sur le sang ou les larmes, leurs impossibles mythologies.

 C'est en lisant ce genre de romans que je suis confortée dans l'idée que je ne serai jamais une grande critique littéraire. Certes, l'écriture est belle, et on est emporté dans ce monde créé par Ferrari, on sent venir la chute inéluctable bien plus que les protagonistes eux-mêmes, mais je n'ai pas été séduite par le roman en lui-même.

Ce roman nous raconte les vies de plusieurs générations d'une famille corse. Marcel d'abord, le grand-père, celui dont la vie est marquée par les "ratages successifs". Dès les premières pages du livre, on est plongés dans ce qui est le fondement de sa vie: l'absence. Marcel est l'enfant d'après-guerre, petit dernier d'une fratrie de 4 filles et 2 garçons. Dès sa naissance ses parents "s'assirent près de son berceau en posant sur lui un regard plein de nostalgie, comme s'ils l'avaient déjà perdu, et c'est ainsi qu'ils le regardèrent pendant toute son enfance". Enfant avec une mauvaise santé, il se bat pour aller à l'école, pour pouvoir sortir du monde dans lequel il est enfermé. Son service militaire, et son niveau d'études qui doit lui permettre d'être officier, lui semble le sésame pour enfin découvrir cet autre monde, mais la vie en décide autrement avec l'armisitice de 1940, qui met fin avant même son commencement à sa carrière militaire. Et même son engagement dans les forces françaises libres ne lui offre pas la vie qu'il souhaitait, il reste en retrait, et ne verra jamais un combat. Il part ensuite dans les colonies, laissant son frère lui choisir une épouse qui partira avec lui. Il l'aime mais il en a honte, et ne la "sortira" qu'une fois envoyé au fin fond d'une zone isolée. Son malheur le poursuit, malgré sa mauvaise santé, c'est sa femme qui va mourir après la naissance de leur fils, que Marcel va confier à sa soeur, précipitant le malheur de la génération suivante.

La génération suivante, c'est Jacques, qui va épouser sa cousine Claudie, malgré l'opposition de toute la famille, et qui mourra, contre l'ordre des choses, avant son père. Jacques et Claudie ne sont que des personnages secondaires du roman, transmetteurs de la malédiction de Marcel à la génération suivante, et révélateurs de ce qu'il adviendra.

Viennent ensuite Aurélie et Matthieu, les petits-enfants. Aurélie, c'est celle qui a finalement obtenu l'affection de son grand-père, contrairement à son frère qui restera l'objet de la malveillance de son grand-père. Aurélie, c'est le seul personnage vraiment attachant de ce roman. Elle est attachée à sa famille, elle a des valeurs, elle sera soutient de ses parents pendant l'épreuve de la maladie de son père, et elle sera aux côtés de son grand-père jusqu'à la fin. Elle est aussi le "Jimini criquet" de son frère, tentant en vain de le ramener dans le droit chemin de la famille et du travail, mais renonçant devant le refus de son frère de changer, incapable d'assumer sa vie.

Et puis il y a Matthieu, qui a arrêté ses études de philo pour partir tenir un bar dans le village de sa famille avec son ami d'enfance, celui qui se laisse porter par la facilité de la vie, qui s'invente des excuses pour ne pas affronter la réalité, ou pour l'adapter à ce qu'il veut. Il est spectateur, de sa vie et de ce qui l'entoure, au point le laisser son père mourir sans aller lui dire au revoir, de peur de perdre le monde parfait qu'il s'est construit, et d'assister à la destruction de ce monde sans rien dire ni rien faire, "immobile sous la lune". Il profite de ceux qui l'aiment, ses parents, sa soeur, et celle qui deviendra sa femme, qui l'excusent, et lui laissent la possibilité de fuir ses responsabilités, qui sont là quand il appelle à l'aide, quand lui ne le sera jamais pour eux.

Rien n'est lumineux dans ce roman, c'est effectivement une version moderne de la destruction par les hommes des empires qu'ils ont eux-mêmes bâtis, mais il n'y a pas la promesse d'espérance que portait le sermon d'Augustin, celui de la rédemption dans l'Amour de Dieu. Augustin parlait de la destruction par les hommes des empires humains, pour la gloire du Royaume de Dieu, alors que le monde construit par Ferrari se referme sur lui-même, sans espoir d'un avenir meilleur.

Peut-être faut-il être plus sensible à la philosophie que je ne le suis (j'ai eu 8 au bac pour vous situer mon niveau dans la matière) pour apprécier à sa juste valeur le roman de Ferrari, mais pour ma part, même si j'ai lu ce roman avec plaisir, je n'en garderai pas une trace indélébile, n'y voyant que le reflet des travers des hommes, vanité, égoïsme, facilité, mais sans l'espoir qu'en l'homme même si on trouve le pire il y a aussi le meilleur.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

N'ayant pas accès à vos adresses mail, je ne peux vous répondre qu'ici, alors n'hésitez pas à revenir!